L’ingénieur·e opticien·ne dans l’aéronautique
par Hajar Elazri (promo 2023) et Marie-Hélène Carron (promo 2023) | Le Paraxial n°2 – 1 avril 2022
L’aéronautique est un secteur dans lequel l’ingénieur·e supopticien·ne peut trouver sa place et mettre à profit ses compétences tout en étant apprécié·e des employeurs. En effet, d’après une enquête réalisée en 2018 sur les 5 dernières promotions, environ un tiers des diplômé·e·s ont été embauché·e·s dans une entreprise dont l’un des principaux domaines d’expertise est l’aéronautique. Ceci se traduit notamment par la forte attractivité d’entreprises telles que, pour citer les employeurs les plus influents, Thales Avionics et Alenia Space, Safran Electronics&Defense et l’ONERA.
Ce secteur permet une grande variété de domaines d’expertise. En effet, l’aéronautique ne se limite pas à l’équipement des avions : celle-ci peut se définir simplement comme la science des aéronefs, de leur construction jusqu’à leur utilisation. Parmi leurs représentants les plus courants, on trouve les avions, les hélicoptères et les drones d’observation.
Les domaines d’application des technologies développées sont donc eux aussi très larges. L’ingénieur·e supopticien·ne peut donc, entre autres, concevoir et réaliser des instruments optiques qui seront finalement intégrés dans un aéronef, modéliser ces systèmes ou exploiter les mesures aéroportées. Il peut aussi concevoir ou optimiser des dispositifs de détection, principalement dans l’infrarouge. Parmi les alumni, certains sont spécialisés dans l’intégration et les tests des détecteurs ou instruments sur les aéronefs et vérifient les performances de ceux-ci.
S’il est impossible d’être exhaustif, voici des exemples de domaines dans lesquels les ingénieur·e·s diplômé·e·s de l’école peuvent s’illustrer avec les compétences en lien avec leur formation :
- L’exploitation de la télédétection (technique de détermination des propriétés d’un objet à distance à partir du rayonnement émis ou réfléchi par celui-ci) afin de détecter et quantifier la présence humaine.
- La conception optique pour les télescopes embarqués.
- Les systèmes embarqués optroniques (éclairage, imagerie) et viseurs.
- Les systèmes embarqués de navigation ou de communication, en particulier via le développement de lasers fibrés et de lidars (technique de mesure à distance dont le fonctionnement est proche du radar mais pour laquelle une source de lumière, le plus souvent cohérente avec l’utilisation d’un laser, est utilisée à la place des ondes radio). Ceci inclut la caractérisation de faisceaux laser, le traitement du signal lidar, la conception et l’intégration d’instruments laser dans des aéronefs. Parmi les autres applications possibles, on retrouve la télédétection et la caractérisation de l’atmosphère (vitesse du vent, quantité d’aérosols dans l’air).
- Le développement de détecteurs infrarouges plus performants avec par exemple la conception de composants nanostructurés, l’exploitation d’effets non-linéaires, la modélisation de fonctions de transfert de modulation. Ces détecteurs permettent par exemple le contrôle non-destructif d’un élément d’aéronef.
- Le traitement de matériaux pour aérostructures par laser.
- La caractérisation des propriétés optiques des matériaux via des mesures radiométriques (par exemple mesure de la BRDF, fonction décrivant la réflexion pour un objet quelconque) pour la modélisation de la signature visible et infrarouge des aéronefs.
Afin de compléter ces informations par une vision plus concrète de la place de l’ingénieur·e supopticien·ne dans l’aéronautique, nous avons eu le plaisir et la chance d’interviewer Mme Florence de la Barrière (promotion 2009), ingénieure de recherche à l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA).
Interview de Mme Florence de la Barrière (ONERA)
Mme Florence de la Barrière est actuellement ingénieure de recherche au Département d’Optique et Techniques Associées (DOTA) de l’ONERA. Cette ancienne élève de l’école (promotion 2009) a pour spécialité la conception d’instruments travaillant principalement dans l’infrarouge et pouvant être embarqués dans des aéronefs tels que les drones. Elle a reçu en 2015 un Prix de Thèse pour son travail sur le principe de miniaturisation des caméras infrarouge.
Le Paraxial : Bonjour Madame de la Barrière et merci d’avoir accepté de participer à cette interview. Pourriez-vous s’il-vous-plaît nous parler un peu de votre parcours ? Avez-vous toujours voulu travailler dans l’aéronautique ?
Florence de la Barrière : Non, pas vraiment. J’ai fait mon stage de fin de deuxième année à l’ONERA et puisque le sujet sur lequel j’ai travaillé me plaisait vraiment, j’ai décidé de le poursuivre en thèse après ma troisième année. J’ai découvert l’ONERA grâce à Riad Haidar (N.D.L.R : ancien Directeur Général Adjoint à l’Enseignement de l’École) qui nous donnait des cours.
LP : Bien que la formation ait évolué, pouvez-vous nous dire quels sont les enseignements qui vous sont les plus utiles dans votre quotidien d’ingénieure ?
F de la B : Il y a vraiment quatre enseignements qui me sont très utiles pour mon domaine de recherche, à savoir la Conception Optique, l’Optique de Fourier, les Lasers et la Radiométrie. La Radiométrie est dans mon cas particulièrement importante, à tel point que je donne quelques cours sur le domaine infrarouge.
LP: Puisque vous devez communiquer avec d’autres entreprises du secteur aéronautique et collaborer avec les autres départements de l’ONERA, avez-vous dû suivre des formations complémentaires, par exemple en sciences des matériaux ou en mécanique des fluides ?
F de la B : Pas vraiment. Je me suis documentée par moi-même sur des points précis. C’est surtout à travers des échanges avec mes collègues et en faisant preuve d’un peu de curiosité personnelle que j’ai acquis les connaissances dont j’avais besoin.
LP: Un profil d’étudiant·e ou d’ingénieur·e plus théoricien·ne peut-il espérer s’épanouir au sein d’une entreprise à la visée très applicative comme l’ONERA ?
F de la B : Bien sûr ! J’ai par exemple des collègues dont le travail est axé sur la conception optique et ils recherchent de nouveaux algorithmes, de nouvelles méthodes. Il est donc possible de faire de la théorie, y compris dans ce domaine.
LP: Avec la crise du Covid-19, le secteur de l’aviation a connu de grandes difficultés. Dans quelle mesure cette période difficile a-t-elle affecté l’ONERA ?
F de la B : Dans mon cas, je n’ai pas vraiment ressenti de changement car mon groupe ne travaille pas vraiment pour Airbus. En revanche, pour certains groupes, le plan de relance a été une très bonne nouvelle pour le financement des projets.
LP: À l’heure où les scientifiques alertent sur l’impact de l’avion et de l’hélicoptère sur le réchauffement climatique, pensez-vous que la recherche dans le domaine de l’aéronautique puisse réellement contribuer à faire de l’avion un mode de transport plus respectueux de l’environnement ? Encouragez-vous les jeunes ingénieur·e·s à s’investir dans cette voie ?
F de la B : Tout à fait car il y a beaucoup de projets (financés par l’Union Européenne notamment) visant à développer des solutions moins polluantes, telles que l’avion à hydrogène. Il y a de nombreuses opportunités et des projets de grande envergure.
LP: Faut-il absolument aimer les avions pour travailler dans l’aéronautique en tant qu’ingénieur·e opticien·ne ?
F de la B : Non, ce n’est pas obligatoire car l’aéronautique regroupe des thématiques plus larges et variées que les avions. Par exemple, on peut faire de la détection de gaz polluants tels que le méthane, et cela est possible facilement grâce au développement de la caméra Simagaz, embarquée sur un drone, qui en plus fonctionne très bien !
LP : Pensez-vous que l’optique et la photonique pourront un jour faire partie des technologies de premier plan dans le secteur aéronautique ?
F de la B : Même si l’étude des écoulements et des matériaux resteront prépondérants dans cette industrie, l’optique a sa pierre à apporter et peut même contribuer à rendre l’aviation plus propre. Il y a vraiment de belles opportunités à saisir et nous avons de plus en plus de demandes.
LP: Enfin, auriez-vous s’il-vous-plaît des conseils à donner aux étudiant·e·s qui liront cette interview ?
F de la B : Je leur conseille de faire ce qui leur plaît, ce qui les inspire, même si certains moments sont plus difficiles. Également, de toujours donner le meilleur d’eux-mêmes, chercher à s’améliorer. ■