La profession d’Enseignant.e Chercheur.se

Nous les croisons tous les jours, et pourtant, nous ne savons rien de ce qu’ils et elles font en dehors des heures de cours et de TD, dans ces bâtiments de l’école encore inexplorés des étudiant·e·s.

Les Enseignant·e·s-Chercheurs·ses de l’école se divisent en 2 corps : Maître·sse·s de Conférences et Professeur·e·s des Universités. Le·a Maître·sse de Conférences doit être titulaire d’un doctorat.Comme le nom d’Enseignant·e-Chercheur·se l’indique, le·a Maître·sse de Conférences donne des cours au sein d’un établissement d’enseignement supérieur et mène en parallèle une activité de recherche. Accessible uniquement sur concours, ce métier est concurrentiel.

Si l’enseignement, avec tout ce que ce terme inclut en préparation de cours (encadrement des étudiant·e·s, corrections d’examens, etc.), constitue la partie visible de l’iceberg, une grande partie de travail, invisible à nous, est consacrée à la recherche. Ces travaux de recherche consistent à encadrer des doctorant·e·s, publier ou évaluer des articles, participer à des conférences, des formations, des séminaires en France et à l’étranger, faire des demandes de financement pour ses activités de recherche, etc.

Après au moins 5 ans de services, un·e Maître·sse de Conférences peut éventuellement obtenir l’HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) en rédigeant un mémoire sur ses travaux de recherche et en effectuant une soutenance. L’HDR est la plus haute qualification universitaire, donnant le droit de diriger et de décerner des thèses de doctorat. 

Le titre de Professeur·e des Universités est obtenu sur concours par les personnes titulaires d’une HDR. Les Professeur·e·s des Universités ont des responsabilités administratives, que ce soit dans l’enseignement ou dans la recherche.

Pour avoir une idée plus claire de la réalité du métier, nous avons interviewé deux Enseignant·e·s-Chercheurs·ses de l’école : Dr. Gaëlle Lucas-Leclin et Dr. Arnaud Dubois.

Gaëlle Lucas-Leclin : Après un bac scientifique et une classe préparatoire, j’ai intégré SupOptique. Ensuite, j’ai fait une thèse à l’université Paris-Sud sur l’interaction des sources laser avec les atomes dans les horloges atomiques. J’ai été recrutée à l’Institut d’Optique en tant que Maîtresse de Conférences dans le groupe Lasers, dans lequel je travaille encore actuellement avec le même profil d’enseignement.

G2L : Mon activité de recherche est clairement un choix que j’ai fait, d’abord par ma thèse puis en rejoignant le laboratoire Charles Fabry. Au niveau de l’enseignement, celui de Conception de Systèmes Optiques m’a été proposé à mon arrivée, et le choix, c’est d’y être restée pour y avoir trouvé mon compte ; je me suis également portée candidate pour les enseignements autour des Semi-conducteurs. En bref, oui, j’ai choisi.

G2L : Plein de petites choses ! Coté enseignement, je crois que c’est le plus clair pour vous. Mais au-delà de donner des cours devant les élèves, il y a tout un travail d’organisation. Étant responsable de quatre cours, il faut répartir les différentes séances de cours, de TD, discuter avec les chargé·e·s de TD et les autres enseignant·e·s, préparer les évaluations, rédiger et corriger les examens… Au niveau de la recherche, mon travail au jour le jour, c’est de suivre l’avancement de mes doctorant·e·s ou stagiaires, en commentant les résultats, en proposant des pistes, en participant parfois aux expériences… En plus de cela, il y a une partie veille scientifique : suivi des publication, participation à des comités scientifiques, recrutement de stagiaires ou doctorant·e·s… En ce moment, je participe à l’organisation d’une conférence aux États-Unis, donc on fait des réunions en visio, chacun·e de nous lit différents articles sur la thématique, puis on en discute.

G2L : Oui ! Au cours de ma carrière, j’ai été impliquée dans plusieurs travaux de recherche à l’échelle européenne. Et là, par exemple, je suis le travail d’un doctorant en Allemagne. C’est très ouvert, la recherche. En ce qui me concerne, cela m’a donnél’occasion de travailler sur des thématiques plus différentes, et avec des personnes de profils différents.

G2L : La curiosité, l’esprit critique, la rigueur. Devant un amphi, on ne peut pas être dans l’à-peu-près. Il faut être sûr d’avoir bien compris, et de pouvoir transmettre. Il y a une différence entre comprendre pour soi, et comprendre pour expliquer. Ma façon de comprendre ne peut pas être l’unique façon de voir les choses. Ça fait des années que je donne le même cours, et tous les ans, je suis confrontée à des questions auxquelles je n’ai jamais pensé !

G2L : La sensation de toujours courir après le temps, la frustration de ne pas pouvoir donner toute son énergie à un projet. En particulier, l’enseignement fixe des horaires précis. Il y a certaines périodes où mon emploi du temps est haché par ça, et, sortant de l’amphi après deux heures de cours, je ne peux pas être fonctionnelle tout de suite pour la recherche.

G2L : Personnellement, ce qui me gêne le plus, c’est ce sentiment de minorité, qui est particulièrement marquant quand je vais en conférences. J’ai l’habitude d’avoir des collègues masculins, cela ne me pose pas de problème. Mais il me semble qu’en général, on confie aux hommes les tâches de responsabilité, et on confie aux femmes les tâches administratives, et de gestion. À titre personnel, ça ne me touche pas spécialement : je n’ai pas envie d’avoir plus de responsabilité que ce que j’ai maintenant, mais je sais que certaines femmes peuvent se sentir limitées.

G2L : À mes heures perdues, je fais des enregistrements de livres audios à titre bénévole. En plus, mon métier m’est utile dans cette activité, en me donnant l’habitude de parler à voix haute et de comprendre les techniques de traitement du signal.

G2L : Posez des questions ! Que ce soit à des camarades partis en stage, des collègues, des alumni, des enseignant·e·s… Par mail, par téléphone, en visio… Il faut avoir un avis éclairé sur la réalité d’un métier, et ne pas s’arrêter à des idées préconçues. Les stages, c’est un très bon moyen pour faire ça : il ne faut pas seulement observer le travail de vos collègues, mais discuter avec eux et poser des questions.

Arnaud Dubois : J’ai fait ma prépa au lycée Henri IV à Paris, puis j’ai intégré SupOptique où j’ai fait ma thèse dans le domaine des lasers. Directement après ma thèse, j’ai été recruté comme Maître de Conférences à l’ESPCI. Ensuite, j’ai passé mon HDR et j’ai été nommé Professeur à SupOptique.

AD : C’est très varié ! Dans l’enseignement, il y a deux parties : donner des cours, les préparer, faire des TD, etc. ; mais à côté de ça, il y a une partie d’administration, surtout pour les Professeur·e·s. Moi par exemple, je suis notamment responsable des stages. En ce qui concerne la recherche, je dirige des thèses, participe à des jurys de thèse et d’HDR, évalue des projets de recherche et des publications scientifiques. Mes activités de recherche nécessitent du temps de réflexion ainsi que du temps pour réaliser des expérimentations. Telle une petite entreprise, un laboratoire a besoin de ressources humaines et matérielles : il faut gérer son équipe, acheter du matériel et chercher des financements. Et bien sûr, la rédaction d’articles ou de livres ainsi que la participation à des conférences font partie du travail de recherche. Je suis d’autre part responsable scientifique d’une jeune entreprise (DAMAE Medical) qui travaille en collaboration étroite avec le laboratoire.

AD : Oui, bien sûr ! Il est important pour un·e chercheur·se de savoir communiquer pour présenter et expliquer ses travaux à la communauté scientifique et pour encadrer efficacement les étudiant·e·s. La communication écrite est également très importante pour la publication d’articles, pour demander des financements et rédiger des rapports. 

AD : Pour certains sujets de recherche, cela peut être très lié. J’ai créé en 2014, avec deux ancien·ne·s étudiant·e·s de la filière FIE, la start-up DAMAE Medical. Cette start-up développe et commercialise un dispositif pour imager la peau, issu d’une invention brevetée de mon laboratoire. Les start-ups sont un bon moyen pour valoriser le travail réalisé dans les laboratoires de recherche ; de plus en plus de chercheur·se·s se lancent dans l’entrepreneuriat. C’était déjà le cas aux États-Unis depuis longtemps, et à présent, la France pousse elle aussi ses chercheur·se·s à faire sortir leurs inventions des labos ; beaucoup d’investissements sont faits dans ce domaine.

AD : Parmi les inconvénients, la grosse quantité de travail (frustration de manquer de temps) et la difficulté à obtenir des moyens financiers et humains dans le laboratoire. Par contre, c’est un métier passionnant avec une grande liberté pour gérer ses activités. On a le luxe de pouvoir explorer des sujets de son choix en profondeur, notamment en comparaison avec un·e ingénieur·e en R&D qui ne peut généralement pas trop s’écarter des objectifs fixés par l’entreprise dont le but est de vendre.

AD : J’aime le bricolage et les activités physiques. Je viens souvent à l’Institut en vélo : c’est bon pour la santé et l’environnement !

AD : Bien choisir ses stages en fonction de son projet professionnel. Étant responsable des stages, je vois beaucoup d’étudiant·e·s qui font leur choix de premier emploi en fonction de ce qu’ils·elles ont aimé ou pas durant leur stage. Il faut d’abord être passionné par ce qu’on fait et exploiter au maximum ses compétences.

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