Les débuts de SupOptique
par Victoire de Saléon (promo 2023) | Le Paraxial n°2 – 1 avril 2022
Dans les méandres de l’histoire, certaines institutions émergent, discrètes à leurs débuts, pour ensuite rayonner d’une lumière éblouissante dans le panorama de la science et de l’ingénierie. Tel est le récit captivant de l’Institut d’Optique, dont les racines plongent dans les tumultes de la Première Guerre mondiale. À travers les pages de cette épopée, nous suivons le parcours fascinant d’une institution qui a façonné l’optique moderne et illuminé le chemin de milliers d’étudiants et chercheurs à travers les décennies. Dans cette première esquisse, plongeons-nous dans les débuts modestes et les premiers éclats de ce phare du savoir, témoin d’un siècle d’innovation et d’excellence.
La création
Au cours de la Première Guerre Mondiale, les militaires français réalisent qu’une bonne partie de leur approvisionnement en instruments d’optique provient d’Allemagne et que la France manque d’ingénieurs pour en calculer les éléments. Une commission est alors chargée d’élaborer le statut et le programme d’un « Institut d’Optique Appliquée » dont Charles Fabry serait le premier directeur général.
« Au premier rang des industries pour lesquelles les plus grands efforts de rénovation doivent être fait après la guerre figurent celle de l’optique instrumentale […]
C’est parce que l’optique instrumentale théorique a été délaissée en France, que nos constructeurs, non seulement ont été devancés par les Allemands dans la création de débouchés nouveaux, mais se sont encore trouvés dans l’impuissance de concurrencer nos voisins une fois les marchés ouverts, faute de source où puiser les données théoriques indispensables. […]
Pour coordonner ces efforts, pour donner à l’optique française une vigueur nouvelle, la nécessité s’impose de créer un institut d’optique appliquée.
Cet institut comprendrait ensemble trois sections qu’il y a intérêt, pour réduire les frais, à réunir dans un même lieu : 1e Enseignement théorique général supérieur ; 2e Laboratoire central d’examen et d’essais de verres et d’instruments ; 3e Enseignement professionnel. […]
Sur la proposition du directeur de l’enseignement supérieur au ministère de l’instruction publique et du directeur de l’enseignement technique au ministère du commerce et de l’industrie
Art. 1er. – Il est créé une commission chargée d’élaborer le statut et le programme d’un institut d’optique appliquée, à Paris […]
Art. 2. – Sont nommés membres de cette commission […] Charles Fabry, professeur de physique industrielle à l’université de Marseille »
Extraits de l’arrêté publié au Journal officiel du 16 novembre 1916
Le 30 octobre 1917, les projets de statuts déposés en préfecture, c’est la naissance de l’Institut d’Optique. Mais ses activités ne peuvent débuter qu’après la guerre et durant les premières années elles sont relativement modestes.
En 1920, le Président de la République Paul Deschanel promulgue une loi reconnaissant l’utilité publique de l’Institut d’Optique, ce qui lui permet d’être subventionné par l’État.
Boulevard Pasteur
Les locaux du 140 boulevard du Montparnasse, occupés avant la guerre par l’École d’Application du Génie Maritime, deviennent trop petits pour l’Institut d’Optique. Celui-ci déménage en août 1926 dans un bâtiment plus vaste et mieux adapté pour une durée de quarante ans. À l’époque, les matières enseignées sont :
- une introduction générale à l’étude de l’optique professée par Charles Fabry,
- calcul des combinaisons optiques,
- optique physiologique,
- chimie physique et chimie des verres d’optique.
Ces cours sont complétés par des conférences ainsi que de nombreux travaux pratiques. Les étudiants ont des profils très variés, on y trouve :
- des ingénieur·e·s déjà diplômé·e·s cherchant une spécialisation,
- des officiers des services techniques de l’armée viennent aussi s’y former
- des ingénieur·e·s de l’éclairage (dans le cadre de l’enseignement conjoint avec l’École Supérieure d’Électricité)
- des opticien·ne·s venant suivre les cours du soir
- des ouvriers travaillant du verre à l’école professionnelle.
La toute première promotion n’est composée que 4 diplômés, mais peu après, on en compte une trentaine par ans.
Puis, au fil des années, de nouveaux travaux de recherche plus orientés vers des domaines fondamentaux de la physique s’y développent.
Durant la Seconde Guerre Mondiale
Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’enseignement est maintenu à Paris tandis que le laboratoire de l’Institut d’Optique s’installe à l’hôtel des Palmiers À Saint-Cyr-sur-Mer. L’école étant en zone occupée alors que le directeur Charles Fabry est en zone libre, il faut alors pouvoir fournir de nombreux laissez-passer aux étudiants de zone libre souhaitant se rendre en zone occupée. Charles Fabry, grand patriote, vivra son isolement sur la côte méditerranéenne comme une épreuve qui affectera terriblement sa santé alors déclinante.
C’est à cette époque qu’arrivent la photométrie et la spectrophotométrie, et la colorimétrie. L’école est de moins en moins une école d’application et l’enseignement s’étend vers la physique de base, ce qui fait passer la durée des études de un à deux ans en 1942.
Le CNRS, fondé en 1939, apporte sa contribution au développement de l’école en créant des laboratoires associés dont le laboratoire 14 (futur Laboratoire Charles Fabry) fait partie.
La guerre s’achève en 1945, mais la fin d’année est marquée par le décès de Charles Fabry, directeur historique de l’établissement, qui laisse alors sa place à Pierre Fleury. C’est le début d’une période de vingt ans pendant laquelle l’Institut d’Optique va retrouver son dynamisme d’avant-guerre.
En 1952, la durée des études passe à trois ans, et c’est en 1959 que l’école fait son entrée sur le Concours Commun Supélec.
L’Institut d’Optique à Orsay
Une fois de plus, les locaux deviennent trop étroits pour l’école en plein essor. La décision est alors prise de déménager l’Institut sur les hauteurs d’Orsay, près de la future Université Paris-Sud, où se sont déjà regroupées quelques activités de la faculté des sciences de Paris, sous l’impulsion d’Irène et Frédéric Joliot-Curie. [Voir l’article sur Irène Juliot-Curie]
L’Institut arrive en 1965 au bâtiment 503, qui est inauguré le 31 janvier 1967. Il laisse sur place à Paris une partie de ses activités de recherche, qui seront rapatriées en 1975 après l’agrandissement du bâtiment principal. Cette arrivée coïncide avec l’arrivée dans les laboratoires du laser, qui va considérablement influencer la recherche et l’enseignement dans l’établissement.
Ainsi, c’est au cours de cette période qu’apparaissent les premières expériences d’optique non-linéaire, d’opto-électronique ainsi que d’études du rayonnement X-UV. Bien sûr, la physique quantique n’est pas en reste, en témoignent les expériences d’Alain Aspect sur la violation des inégalités de Bell au
début des années 1980. Enfin, les nanosciences ainsi que l’optique atomique rejoindront également les thèmes de recherche du laboratoire, qui prendra le nom Laboratoire Charles Fabry de l’Institut d’Optique en 1998.
Au cours des années 2000, les promotions sont de l’ordre de 80 étudiant·e·s.
Découvrez en plus sur le site du centenaire.