Le Bokeh
par Vincent Sevat (promo 2026) | Le Paraxial n°19 – 6 mars 2024
Le terme Bokeh, dérivant du japonais boke (ボケ) signifiant flou, désigne l’aspect qu’aura le flou d’avant et d’arrière-plan dans une photographie. Il est très souvent utilisé pour décrire comment les lumières hors de la profondeur de champ voient leur image se défocaliser. Cela est souvent utilisé pour mettre en valeur un portrait ou pour habiller un arrière-plan dans une interview.
La force du bokeh va directement dépendre de la faculté de l’objectif à avoir une faible profondeur de champ, donc plus il aura une focale grande et/ou une ouverture grande et plus le bokeh s’intensifiera.
C’est pourquoi il vaut mieux utiliser son objectif à l’ouverture maximale pour minimiser la profondeur de champ, la série des 50mm f/1.8 ou f/1.4 par exemple permettent d’avoir un bokeh très prononcé grâce à leur grande ouverture. Un 85 ou un 135mm marchera aussi même avec une ouverture plus petite comme f/2.8 grâce à leur plus grande focale. On évitera cependant les objectifs grand-angle car leur profondeur de champ est très profonde, souvent de l’infini à quelques mètres ce qui limite les possibilités de flou.
Un autre moyen si la focale ou l’ouverture n’est pas adaptée est de s’approcher du sujet, plus on focalise un objet proche, plus la profondeur de champ rétrécie. C’est pourquoi le bokeh est très présent en macrophotographie, où le sujet est souvent à seulement quelques centimètres du photographe.
Avoir des lumières ponctuelles en arrière-plan comme une guirlande ou des lampadaires permet d’obtenir très facilement un bokeh prononcé, mais n’importe quel objet se détachant par sa forme ou sa couleur du fond le permet aussi.
Ci-contre la végétation en arrière-plan forme de multiples sources de lumières en réfléchissant le soleil. Malgré la petite focale de l’objectif le fait d’être proche des objets amplifie leur défocalisation.
La forme du bokeh va dépendre du nombre de lamelles du diaphragme, puisque c’est la forme de son ouverture que l’on va directement voir sur les hautes lumières défocalisées. Par exemple un diaphragme carré donnera un bokeh en forme de carré et ainsi de suite. Un exemple assez connu est la série des objectifs de cinéma Zeiss Superspeed, le diaphragme à 3 lamelles donne un bokeh triangulaire unique aux lumières en arrière-plan dans le film Taxi Driver :
Ainsi pour avoir un bokeh le plus rond possible il faut soit avoir un diaphragme avec un grand nombre de lamelles soit prendre la photo avec l’objectif grand ouvert, la pupille du système étant naturelle ronde.
Mais comme on l’a vu avec l’exemple de Taxi Driver, avoir un bokeh plus « géométrique » peut aussi être un choix esthétique pour habiller de manière originale l’arrière-plan.
Le 85mm de Minolta a 6 lamelles tandis que le Jupiter-9 85mm f2 en a 15. Même fermé son diaphragme reste circulaire.
Certaines marques sont connues pour avoir un bokeh caractéristique : les objectifs de cinéma Cooke et Kinoptik ont un bokeh avec des bords très définis comparé à leur centre ce qui les fait fortement ressortir par rapport à l’arrière-plan, tandis que la marque soviétique Hélios est connue pour avoir des objectifs avec un bokeh « tournicotant » (swirly bokeh). L’arrière-plan tourne autour du centre et se déforme sur les côtés.
Ainsi deux objectifs avec la même focale et ouverture n’auront pas forcément le même bokeh, cela dépend aussi de la conception de l’objectif, du type de lentille utilisé et de l’usinage en lui-même des lentilles. Sur l’exemple suivant de gauche le bokeh rétrécie et se déforme sur les côtés de l’image pour le Cooke Kinetal, tandis que le Kilfitt avec ses éléments asphériques possède un unique double bokeh.