L’ouverture en photographie
par Vincent Sevat (promo 2026) | Le Paraxial n°20 – 3 avril 2024
L’ouverture fait partie en photographie des 3 paramètres définissant le triangle d’exposition, et représente la quantité de lumière traversant l’objectif et atteignant le capteur. Elle est contrôlée par le diaphragme qui lorsqu’il est fermé bloque une partie de la lumière incidente, à la manière de la pupille de l’œil qui s’adapte en fonction de la luminosité.
L’ouverture est en pratique caractérisée par le rapport f/d (aussi appelé f-stop en anglais), le rapport entre la focale et la taille de la pupille d’entrée du système optique. Ainsi à focale fixée plus ce chiffre est petit plus la taille de la pupille d’entrée est grande et plus l’image en sortie est lumineuse, on est donc capable de collecter plus de lumière.
Ces nombres d’ouverture sont classés dans une suite géométrique de raison racine de deux. En fermant le diaphragme et en passant de f/4 à f/5.6 on divise par √2 le rayon de la pupille, donc on divise par deux la surface de la pupille d’entrée. Ce qui a pour effet de diviser aussi par 2 l’éclairement sur le capteur. Ainsi pour avoir la même exposition il faudra doubler le temps de pose ou la sensibilité à f/5.6, et ce pour chaque incrément.
Voilà un exemple d’exposition requise pour différentes valeurs d’ouvertures avec un 50mm f/1.4 :
Lorsqu’on ferme le diaphragme et que la lumière devient trop faible, on doit soit augmenter la sensibilité du capteur soit augmenter le temps de pose de la caméra, afin de capter plus de lumière et avoir une exposition correcte. Mais plus la vitesse d’obturation diminue, plus les micromouvements de la main lors de la prise de vue deviennent visibles, au point que l’image peut devenir complètement floue si l’exposition est trop longue. La règle pour un capteur plein-format est qu’il faut avoir un temps de pose inférieur à l’inverse de la focale utilisée pour ne pas avoir de flou de bougé. C’est pourquoi dans notre cas on doit s’arrêter à f/2 sinon l’image sera floue.
Mais l’ouverture ne sert pas uniquement à faire varier la quantité de lumière incidente, elle permet aussi comme on l’a vu avec le bokeh de faire varier la profondeur de champ. Avec une grande ouverture (donc un rapport f/d petit) on obtient une plus faible profondeur de champ, ce qui permet de focaliser l’attention sur le sujet. Cela est très utile pour faire un portrait si on veut isoler la personne de l’arrière-plan.
Mais si on veut faire du paysage, on va vouloir au contraire avoir une grande profondeur de champ afin que tous les éléments de la composition soient nets, on va donc cette fois devoir fermer le diaphragme, au-delà de f/5.6. Il n’est pas rare d’atteindre f/8 voire f/11 mais à partir de ces ouvertures on commence à voir les effets de la diffraction.
En effet le diamètre de la tache d’Airy est proportionnel au rapport f/d, donc plus on ferme le diaphragme plus la tache s’agrandit, ce qui se traduit par une diminution de la résolution globale de l’image. Le but est donc d’avoir un bon compromis entre une profondeur de champ très large et une bonne netteté. En général il vaut mieux « sacrifier » un peu de netteté afin d’être sûr d’avoir simultanément le premier et l’arrière-plan net.
Comme on le voit ci-dessus, fermer le diaphragme permet de sélectionner les rayons les plus inclinés par rapport à l’axe optique, ce qui agrandit la zone dans laquelle un objet sera perçu comme étant net.
Mais en sélectionnant les rayons les plus proches de l’axe optique, on contribue également à améliorer les performances de l’objectif : en fermant le diaphragme de seulement quelques crans on peut observer des gains considérables en netteté et en contraste, surtout sur les bords de l’image qui ont toujours plus d’imperfections que le centre. Ainsi si on veut avoir l’image la plus propre possible avec le moins d’aberrations on devra fermer le diaphragme, mais aussi s’arrêter avant que la diffraction devienne trop importante. Pour la plupart des objectifs les performances maximales sont atteintes entre f/5.6 et f/8
Cet effet est très marqué sur les anciens objectifs qui peuvent présenter de grosses aberrations à ouverture maximale :
Cooke Speed Panchro 25mm f/2 Serie III (Zoom à 100% au bord de l’image)
On peut ici constater que fermer le diaphragme a permis de retirer les aberrations sphériques et d’augmenter le contraste entre les arbres et le ciel, ce dernier étant surexposé par rapport au reste de l’image à f/2.
On serait alors tenté de dire qu’il vaut mieux avoir un objectif avec une très grande ouverture, afin de pouvoir faire des photos en très basse lumière sans avoir à trop monter la sensibilité du capteur. Et même si la qualité optique n’est pas bonne à pleine ouverture, on pourra fermer le diaphragme et être toujours plus lumineux que la plupart des autres objectifs. Sauf que la plupart des objectifs avec des ouvertures proches de f/1 souffrent d’un problème : même à diaphragme fermé leurs performances sont moins bonnes que ceux à ouverture plus petite. Le canon fd 50mm f/1.2 par exemple était moins net et avait plus d’aberrations à f/8 que l’objectif de base 50mm f/1.8 à la même ouverture, alors que ce dernier coutait presque 5 fois moins cher.
A l’époque de l’argentique on devait choisir entre avoir une bonne netteté et avoir une faible profondeur de champ avec une grande ouverture. Et même si c’est moins le cas aujourd’hui avec les systèmes optiques modernes, les prix sont toujours aussi élevés pour des gains de lumière souvent surestimés.
En conclusion il peut être plus utile d’utiliser un trépied et de faire une pose plus longue si les conditions de luminosité l’imposent. Cependant si la photo doit être prise à main levée on pourra activer la stabilisation si le boîtier en possède une : cela permet de compenser une partie des tremblements de la main et d’avoir une exposition plus longue sans voir le flou de bougé. En augmentant ainsi de quelques crans la sensibilité ISO on pourra avoir une image mieux exposée même en basse lumière.